« Résistances de l'oralité » Romantisme, 192
Le XIXe siècle serait à l’évidence le siècle de la modernité et (donc) de l’imprimé, le siècle du Code civil, des dictionnaires et de la scolarisation en cours de généralisation. À vrai dire c’est tout autant un siècle d’oralité, oralités héritées et oralités inventives. Entre persistance de la « civilisation de la parole » et apparition de voix nouvelles, le XIXe est en effet caractérisé par des oralités diverses, mouvantes et souvent hybrides, bien au-delà de la seule parole conteuse réputée archaïque. Ce numéro de la revue Romantisme vise ainsi à faire entendre des voix chantées et des voix enchantés, mais aussi des voix grinçantes et bistrotières, des voix roublardes ou cachotières, ou encore des voix savantes et bien sûr des voix de papier. L’oralité résiste à l’emprise hégémonique de l’écrit et mieux s’y éprouve et s’y prouve comme une précieuse ressource anthropologique et souvent ici poétique. Ce dossier met dès lors en évidence la fragilité historique et épistémologique des partitions simplistes qui opposeraient culture écrite et culture orale tout comme l’aspect terriblement réducteur de problématiques qui seraient comme sourdes au fait que l’oral linguistique n’est qu’une dimension des univers d’oralité et que la performance orale ne saurait exister pleinement sans l’auralité de la réception.