Interfaces numériques,1 (4)
Si comme le montre Jacques Henriot (1989), c’est avant tout l’attitude ludique adoptée par le joueur envers une situation qui en fait un jeu, on peut aussi souligner que dans la perspective de ce philosophe, « il faut que le jeu soit joué, mais pour qu’il soit joué, il faut d’abord qu’il soit jouable » (1989, 108). À la suite de cette réflexion, il précise par ailleurs, « je me propose de théoriser sous le nom de jouabilité ce qui, sur le plan purement structural, fait d’une situation un jeu potentiel » (1989, 217). Il serait ainsi possible de mettre en avant que certaines situations, certains objets, même s’ils ne sont pas nécessairement qualifiés de jeu, pourraient potentiellement être plus adaptés que d’autres à l’adoption d’une attitude ludique.
À ce titre, à la suite du colloque Jeu et jouabilité à l’ère numérique (Université de la Sorbonne, 8 décembre 2012), faut-il admettre que les interfaces numériques soient « ludogènes » alors que, conjointement, le jeu (sur support numérique) n’est plus uniquement l’apanage de l’objet « jeu vidéo » (jeux sérieux, newsgames, etc.) ? En somme, l’objet jeu tend à déborder de lui-même : plus qu’un champ d’étude, le jeu devient aussi une manière d’analyser et de comprendre le monde. Les phénomènes de ludicisation du numérique incitent à ce titre à se demander ce qui fait qu’un objet, qu’une interface, qu’un dispositif numérique peut être jouable, peut être adapté à une utilisation ludique ou peut potentiellement être employé/considéré/reconnu comme un jeu ? Doit-on s’en tenir à des considérations « purement » structurales pour répondre à cette interrogation ? Doit-on par ailleurs uniquement limiter l’analyse des phénomènes de jouabilité aux situations de jeu ? À partir de quels outils théoriques peut-on décrire et rendre compte de la jouabilité ? De quelle façon la manipulation des objets matériels agirait sur le facteur de jouabilité d’une situation de jeu ? En ce sens, en quoi la jouabilité s’exprimerait de façon particulière dans le cadre du jeu sur support numérique ? Dans le cadre du numérique, quelles méthodologies seraient mobilisables pour comprendre et analyser la jouabilité d’un logiciel ?