Séminaire Praximédia
Équipe Praximédia (Crem, Université de Lorraine)
Intervenantes : Marion Berriche (Medialab) et Joséphine Lombard (Lbnc)
Publics de la désinformation (séance avec les Masterants)
Pratiques d’appropriation mises en œuvre par des publics pour contrer les fausses informations.
La dynamique de l'opinion dans les discussions : une expérience de politisation en train de se faire
Le progrès des nouvelles technologies au cours des trois dernières décennies a conduit à la prolifération des canaux médiatiques et donc à la formation d'un important choix de médias en ligne pour les individus. Les chercheurs qui s’intéressent à ces nouvelles pratiques informatives montrent que la personnalisation de l’information en ligne par les algorithmes peut entraîner les individus dans des bulles d’opinion (Pariser, 2011 ; Grossetti & al. 2019 ; Cardon, 2019) qui conduiraient à la polarisation des opinions. Mais en appréhendant ce phénomène uniquement par l’approche des biais cognitifs, la polarisation n’est pas appréhendée comme un comportement politique et l’analyse du contexte politique est elle aussi évincée. Or, les travaux pionniers de Lazarsfeld sur le vote, affirment que la politisation est fondamentalement une expérience de groupe. Notre enquête propose donc de réhabiliter l’entité du « groupe » pour étudier la dynamique de l’opinion et réintégrer les logiques du social dans la compréhension du phénomène de polarisation. La constitution de groupes de discussion aux profils variés paraît donc pertinente pour tester l’hypothèse d’une influence encore non négligeable de nos réseaux et nos discussions du quotidien dans la constitution de nos opinions. Cette méthode permet ainsi de mieux saisir la dialectique qui se joue entre nos pratiques en ligne et nos comportements politiques hors ligne. Nous proposons de restituer une première exploitation des matériaux d’enquêtes recueillis auprès de 24 individus (entretiens individuels) et 2 groupes de discussions (Gilets jaunes et étudiant.e.s-gauche radicale) réalisés lors de la campagne présidentielle 2022.
« T’es sûr que c’est vrai ? » : le surgissement du doute dans les conversations ordinaires des internautes
« T’as vérifié la source ? » ; « N’importe quoi » ; « C’est encore une fake news » ; « Faut arrêter de partager des âneries ». Dans de nombreuses situations, les gens sont capables de dire aux autres qu’ils se trompent, d’exprimer des critiques ou de mettre en doute des énoncés qui leur semblent suspects. Il s’agit d’une compétence ordinaire de rationalité pratique. Cette étude cherche à comprendre comment certains espaces de discussion, par la façon dont ils sont structurés, favorisent ou inhibent la mise en œuvre de cette compétence. Pour répondre à cette question, nous avons réalisé une cartographie de pages et de groupes Facebook où des signalements d’utilisateurs ont eu lieu. En couplant une analyse de réseau à des observations en ligne et à des entretiens, nous avons pu faire émerger différents territoires d’énonciation. Nos analyses montrent que la capacité d’exprimer des critiques ou mises en doute est moins une propriété ancrée dans l’esprit des personnes qu'une capacité construite par les divers contextes d'énonciation dans lesquels elles se trouvent.