La guerre d'Algérie, ici et là-bas
En 2012, en France et en Algérie, mais selon des dispositions différentes, on a commémoré les soixante ans de la fin de la guerre d’Algérie. Côté français, l’événement a non seulement été très publicisé, mais il a aussi favorisé une importante médiatisation des paroles de sujets anonymes. Racontant "leur" guerre ou celle de proches, ces récits ont individualisé l’Histoire commune, montrant l’hétérogénéité du rapport à ce passé. Signés ou non, assortis d’un nom ou seulement d’un prénom, ces récits ont conforté l’idée selon laquelle le singulier et l’ordinaire peuvent eux aussi contribuer à l’écriture de l’Histoire. De la sorte et en conformité au traitement d’autres conflits, la guerre d’Algérie a été abordée selon une focalisation sur de paroles singulières. Un procédé présent auparavant mais amplifié à l’occasion de la commémoration.
C’est donc à cette mise en perspective que Béatrice Fleury s’intéresse, retraçant entre 1959 à 2012, les parcours médiatiques de plusieurs personnalités anonymes qui, impliquées d’une manière ou d’une autre dans la guerre, ont été conduites à jouer ensuite un rôle testimonial significatif. S’attachant aux raisons pour lesquelles elles ont acquis – temporairement - un statut public, Béatrice Fleury tente de comprendre pourquoi, plus que d’autres, elles ont pu exemplifier des faits et faire passer des idées. Pour élucider les enjeux et contraintes de cette configuration associant privé et public, l’auteure s’intéresse aux circonstances qui ont fait et font qu’un anonyme sort de l’ombre et accède à la sphère publique. En traitant d’un témoignage et d’un témoin singuliers, elle retrace donc les facteurs relatifs à cette mise en visibilité et met en évidence le rôle joué par différents acteurs du champ social (journalistes, écrivains, historiens, membres d’associations et personnalités politiques).