Séminaire Praxitexte : interventions de Marie Veniard (Université de Paris, CEPED) et de Caroline Pernot (Université de Lorraine, CREM)
équipe Praxitexte
- Marie Veniard (Université de Paris, CEPED) : Désigner un représentant dans un groupe sans porte-parole. Approche discursive, historique et interactionnelle
Devant les difficultés et limites rencontrées par la délégation de la parole politique (Bourdieu 1984), certains groupes militants optent pour un fonctionnement horizontal, c’est-à-dire non hiérarchique, et refusent d’instaurer l’un.e des leurs comme « porte-parole attitré ».
Dans cette présentation, je donnerai à voir les pratiques d’un collectif de militants sans-papiers et d’un collectif de militants soutiens avec lequel il entretient une relation d’alliance politique. Ces pratiques sont régulées, notamment, par une norme méta-communicationnelle, celle de « ne pas parler à la place des premiers concernés », que j’aborde dans une perspective discursive, qui constituera le cadrage de mon propos. Je proposerai ensuite quelques éléments pour historiciser cette pratique. Pour finir, je proposerai une description interactionnelle d’un extrait d’une réunion en tenant compte de son caractère polylogal et plurilingue et en insistant sur les changements de cadres participatifs
- Caroline Pernot (Université de Lorraine, Crem, Praxitexte) : Éducation comparée et porte-parolat de l'étranger : Les missions d’observation en Autriche-Hongrie du Ministère français de l’Éducation dans les années 1900
Dans le champ de la didactique et de la pédagogie, l'éducation comparée connaît un développement important depuis la seconde moitié du XXème siècle. C’est toutefois au XIXème siècle qu’elle a pris naissance, lorsque l’essor de l’État-nation imposa le cadre national comme dimension de référence. Même si la démarche systématique faisait encore défaut, les deux grands paradigmes qui structurent le champ à l’heure actuelle – l’universalisme et le particularisme – sont déjà présents au XIXème siècle.
Le Ministère de l’Education envoya en mission des fonctionnaires français dans plusieurs pays européens afin qu’ils récoltent des données et formulent des observations qui seraient ensuite analysées à des fins d’amélioration du système éducatif français, selon les termes du Ministère.
Mon corpus se compose de rapports de fonctionnaires missionnés en Autriche-Hongrie à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle. De fait, les auteurs de ces rapports ont joué le rôle de porte-paroles de leurs collègues didacticiens.
Dans ce corpus, les commentaires suivants suscitent des interrogations : Quel rôle joue le voyage, en tant qu’expérience de l’altérité, dans ces documents ? Quelle est la place qui est réservée à la parole de l’autre ?
Pendant mes voyages en Allemagne et en Autriche, j'étais, cela va sans dire, en relations constantes avec mes collègues, et en relations amicales plutôt qu'officielles […] C'est l'écho de ces conversations que l'on trouvera dans maint passage de ce chapitre. (Bornecque 1904-1914 : 66)
Ce que j’ai voulu indiquer dans ces pages, c’est précisément ce que les documents officiels ne donnent pas et ne peuvent pas donner [à voir] (Bornecque 1904-1914 : 2)
Une des hypothèses est que ces rapports, bien que restant des documents destinés à l’administration française, empruntent par endroits les traits du carnet de voyage, une forme littéraire appréciée au XIXème siècle, afin de se faire le porte-parole de l’étranger.