Comment les médias parlent des émotions
L’affaire Nafissatou Diallo contre Dominique Strauss-Kahn est un des rares cas d’accusation de viol ayant eu un retentissement mondial en raison de la personnalité du directeur du Fonds Monétaire International et de sa candidature annoncée aux élections présidentielles françaises de 2012. Sa couverture médiatique a engagé des questions d’éthique journalistique du plus haut intérêt, qu’il s’agisse du rapport entre vie privée et vie publique des hommes et des femmes politiques, du respect de la présomption d’innocence ou du traitement d’une affaire de viol.
Les nombreuses émotions suscitées par l’affaire ont évolué au fil des informations portées à la connaissance du public. Or si les émotions ont longtemps été conçues comme un obstacle à l’exercice de la raison, elles sont aujourd’hui envisagées comme des modalités de l’argumentation. Ce sont ces modalités que l’ouvrage met en lumière, distinguant entre émotions directes et indirectes, mises en spectacle et allusives, dites, montrées, étayées, par des études qui prennent en compte le lexique, les lieux communs, l’organisation des discours et les scénographies énonciatives dans les articles et les dessins de presse, les séries TV ou sur le web.
Pitié, indignation, dégout, colère ou honte sont codifiés culturellement et touchent le lecteur de la presse en fonction de ses valeurs, de ses expériences, de ses communautés d’appartenance. Ces émotions sont mobilisées par les médias – et par les témoins ou les experts auxquels les journalistes font appel – en faveur de l’un ou l’autre protagoniste selon la situation politique et la culture dans lesquelles l’affaire est évoquée, voire instrumentalisée.