Pratiques, 159-160
Longtemps relégué à la marge de la linguistique et des sciences du langage, comme un épiphénomène assimilé à un ensemble de curiosités appréhendées comme autant d’exceptions aux règles de la langue et du bon usage, le figement linguistique des expressions s’installe aujourd’hui au cœur des modèles linguistiques. Sous un angle non seulement diachronique, mais synchronique, à l’interface de ce qui articule la grammaire et le lexique, la morphosyntaxe, la sémantique et la pragmatique, cette intrusion désorganise au passage l’application des principes de construction par emboîtements sur lesquels s’opère le partage des champs hérités de la tradition linguistique et grammaticale. Quant au défigement discursif et interprétatif qui s’y rapporte, il reste encore trop souvent considéré comme le fait d’un jeu rhétorique superficiel, tout bonnement ignoré par beaucoup de linguistes, mais qui intéresse de longtemps ceux qui abordent le sens par le discours et par les textes. L’ambition de ce numéro de Pratiques vis à proposer d’abord, dans la première partie de ce recueil, un bref tour d’horizon de ce qui se joue désormais derrière la notion métalinguistique de figement linguistique des expressions (et derrière les notions apparentées de collocation, expression toute faite, idiomatique, phraséologique, etc.) ; et d’aborder ensuite, dans la deuxième partie, ce qui a trait aux formes de défigement qui en découlent, sous un angle théorique linguistique toujours, mais aussi aux plans discursif et interprétatif. Les deux dernières parties reviennent sur ces questions par différents biais relatifs à la traduction des expressions figées dans un premier temps, et ensuite par leur appréhension épilinguistique et leur traitement didactique.