Recherche en pragma-sémantique
Présentation
De la "poubelle" pragmatique de Bar-Hillel, qui accueille les résidus des analyses dites "proprement" linguistiques, au réceptacle maximaliste des pragmatistes, où s'intègre finalement la totalité du domaine de la compétence linguistique, que de conceptions et de modèles, que de définitions et de délimitations différents de la pragmatique ! Au cœur de ce bouillonnement théorique et méthodologique, un des vecteurs principaux du développement actuel de la pragmatique, se trouvent, on le sait, la réflexion sur la notion de sens, les discussions sur les différentes approches de la signification.
Les études qui composent ce recueil témoignent toutes de cette problématique en se plaçant résolument dans le champ de ce que l'on pourrait appeler la pragma-sémantique. Chacune, à sa manière, marque en effet plus ou moins fortement l'articulation variable entre sémantique et pragmatique, entre sens et interprétation. L'étude de J. E. Tyvaert sert d'ouverture théorique: dans une perspective délibérément logicienne, l'auteur pose les conditions épistémologiques nécessaires à l'intégration de la pragmatique dans un modèle d'analyse logique. Dans le domaine de la pragmatique "restreinte", celle des embrayeurs, C. Guéricolas, J. François et F. Benzakour s'occupent respectivement du pronom Je, de l'indéfini on et des relatives "déictiques" ( Je le vois qui arrive ). C. Guéricolas emprunte l'itinéraire linguistique de je et nous fait découvrir à sa suite le passage de je, simple outil linguistique parmi d'autres, au je cristallisateur nodal de la problématique énonciative tout entière. J. François se propose de montrer, à partir d'une étude lexicographique du pronom On confronté à ses équivalents allemands, que l'analyse énonciative de l'indéfini, bien que centrée dans le domaine de la pragmatique lexicale, empiète toutefois sur d'autres terrains pragmatiques (pragmatique psychologique, des actes de langage et pragmatique "à grandes unités"). Mettre en relief les propriétés sémantiques et discursives à l'œuvre dans ce curieux type de relatives que sont les relatives complément d'un verbe de perception, tel est l'objectif du travail de F. Benzakour. Les phénomènes de discordance sémantico-référentielle, étiquette sous laquelle se rassemblent tous les cas de non coincidence entre le sens exprimé par la phrase ou les mots (sens littéral, sens propre, sens linguistique, etc ) et le sens que veut exprimer le locuteur (ou sens de la proposition, sens "pragmatique", sens non dénotatif, sens figuré, sens du locuteur, etc.) constituent le thème central de la contribution de G. Gréciano sur l'idiotisme et de celle de G. Kleiber sur la métaphore. La réflexion de G. Gréciano prouve éloquemment la nécessité de faire intervenir Ia dimension pragmatique si l'on veut se rendre maître de ces fameux ilôts de résistance que sont les expressions idiomatiques. Dans le même esprit, G. Kleiber s'attache à montrer que la métaphore, en tant qu'acte de dénotation prédicative indirecte, est à traiter dans un modèle centro-pragmatique et non centro-sémantique, quelle que soit l'hypothèse sémantique postulée. L'article de G. Lüdi prolonge de façon intéressante et nouvelle cette problématique en ce qu'il attire l'attention des lexicologues sur une dimension généralement négligée dans ce secteur de recherches, la dimension énonciative des néologismes. A ces travaux sur le sens indirect font écho, au niveau de l'acte de référence, la contribution de K. Jonasson sur les usages référentiels de l'article indéfini et celle de G. Kleiber sur l'usage autonymique ("Monsieur Auguste est venu..." ). K. Jonasson prend en charge les emplois référentiels des SN indéfinis et s'occupe plus spécialement d'isoler la distinction spécifique/ non spécifque des autres ambiguïtés référentielles que peuvent manifester les SN introduits par Un. L'autonymie constitue le sujet du demier article: l'hypothèse de G. Kleiber est qu'il est possible de dénoncer à la fois les excès de la théorie naïve de la mention et ceux de la théorie de la métanomination sans être pour autant obligé d'embrasser la thèse réductionniste intermédiaire
Table des matières
- J.-E. TYVAERT : Une tentative de définition a priori de la pragmatique
- C. GUERICOLAS : Jeux sur le "Je"
- J. FRANCOIS : Analyse énonciative des équivalents allemands du pronom indéfini on
- F. BENZAKOUR : Les relatives déictiques
- G. GRECIANO : L'irréductibilité de l'expression idiomatique vivante à sa paraphrase : indice de la pluralité de ses dimensions sémantiques et de l'appel à une étude pragmatique de son contenu
- G. KLEIBER : Pour une pragmatique de la métaphore : La métaphore, un acte de dénotation prédicative indirecte
- G. LUDI : Aspects énonciatifs et fonctionnels de la néologie lexicale
- K. OLSSON-JONASSON : A propos de la distinction spécifique/non spécifique des syntagmes nominaux indéfinis
- G. KLEIBER : "Monsieur Auguste", est venu : Théorie naïve, théorie de la métanomination et théorie "réductionniste"