La notion sémantico-logique

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Ouvrage
Auteur.e.s
Jean David et Georges Kleiber (dirs)
Numéro
8
Editeur
Université de Metz
Résumé

Présentation

Les communications se laissent répartir en deux groupes, celles qui ont abordé la question de la définition, de la construction, de l'organisation et de la classification des modalités (J-.L. Gardies, G. Stahl, B. Pottier, J-.M. Zemb, J.-E. Tyvaert) et celles qui se sont occupé plus spécialement du traitement des modalités, soit dans une perspective englobante (G. Kalinowski, K. Heger), soit appliqué à des points particuliers (R. Martin, C. Rohrer, J.-P. Sueur, G. Kleiber, J.-C. Lejosne). Il est clair cependant que cette séparation est avant tout commode et que l'on retrouve dans les contributions du premier groupe des préoccupations qui appartiennent au second et vice versa.

Une définition de la catégorie de la modalité est-elle possible ? J.-L. Gardies, dont la communication a ouvert le colloque, prouve qu'une telle tentative est vouée à l'échec. Ni la définition restreinte héritée d'Aristote, qui se limite aux notions de nécessitéd'impossibilité , de possibilité ou de contingence, ni la conception large, plus récente, qui englobe toute modification du contenu d'une proposition, ne permettent de délimiter rigoureusement un domaine qui contiendrait tous les faits linguistiques rangés habituellement sous l'étiquette de modalité. "On ne peut prétendre ici obtenir, conclut-il, tout au plus qu'une certaine localisation". Localisation ou qui varie selon les points de vue adoptés. Ainsi, G. Stahl distingue entre vraies modalités qu'il appelle modalités authentiques ( de re/de dicto , propositionnelles, ontiques, spatio-temporelles et épistémiques) et les fausses modalités ou modalités impropres (essentiellement les déontiques) en postulant, comme critère définitoire, qu'un opérateur modal est un modificateur de l'extension d'un prédicat. Dans une perspective tout autre, onomasiologique, B. Pottier trace une "chrono-logie" des modalités ayant Je pour principe organisateur et les prédicats Être et Faire comme support propositionnel. La zone modale de l'ÊTRE regroupe les modalités de l'imaginaire, de la réflexion, de l'intellect et de la connaissance : d'IMAGINER à ÊTRE, en passant par CROIRE et SAVOIR, on va "d'un maximum d'ouverture, de liberté, vers un maximum de contrainte, de condition". La zone modale du FAIRE, où se rangent les modalités de l'activité, mène du VOULOIR au FAIRE via POUVOIR et DEVOIR. S'appuyant sur la triade thèmephème et rhème , le "traité modal" de J.-M. Zemb établit l'existence non seulement d'occurrences d'archilexèmes modaux rhématiques et phématiques, mais aussi celles d'occurrences thématiques, et souligne plus spécialement que si l'unification des occurrences phématiques et rhématiques dans une théorie des foncteurs paraît privilégier le phème de par la connotation du terme d'opérateur, elle obéit en réalité au système rhématique, puisque la modalité y est traitée comme un prédicat de rang supérieur. Tournant résolument le dos aux modèles fondés sur le système aristotélicien des modalités, J.-E. Tyvaert propose une analyse de quatre emplois du mot possible pour promouvoir une appréhension théorique renouvelée de la modalité qui fasse appel à des techniques symboliques nouvelles et qui s'intègre dans une systématisation logique des fondements de la noétique.

Le traitement des modalités est évidemment inévitablement lié à la conception que l'on se fait de la notion de modalité elle-même. Autant de définitions, autant d'analyses et autant de solutions. Certaines s'imposent toutefois avec plus de force, telle la logique modale en termes de mondes possibles que l'on retrouve présente dans plusieurs communications. G. Kalinowski préfère cependant à une sémantique modale à la Lewis ou à la Kripke une sémantique issue de l'ontologie et de l'essentialisme aristotéliciens. Cette dernière permet, selon lui, de construire une logique des normes adéquate, ce qui n'est pas le cas de la sémantique des mondes possibles, qui, outre qu'elle "malmène" quelque peu la notion de vérité, se révèle incapable de maîtriser de façon satisfaisante une logique déontique. K. Heger, pour sa part, propose de traiter les modalités dans le cadre de ce qu'il appelle les modèles actantiels. L'avantage d'un tel traitement intégratif est de fournir une solution aux contradictions apparentes, telles que celle illustrée par la phrase J'aurais dû arriver hier, mais je n 'arriverai que demain.

Ce dernier problème ouvre la voie aux communications portant sur des questions modales particulières. C'est ainsi que le problème de l'emploi du subjonctif après la nécessité ou la certitude (cf. Il faut que je vienne, il n'est pas possible que Pierre soit là) et son emploi dans des phrases comme Bien que Paul soit parti..., où la proposition subordonnée est une proposition vraie, est résolu par R. Martin à l'aide de trois concepts: le concept de monde possible compris comme "l'ensemble des instants d'un temps ramifié", celuid'univers de croyance défini comme l'ensemble des propositions que le locuteur tient pour vraies au moment où il parle, et enfin celui d'anti-univers conçu "comme un ensemble de propositions que le locuteur tient pour fausses, mais qui ne le sont pas nécessairement, c'est-à-dire qui pouvaient ou qui auraient pu être vraies". C. Rohrer a choisi les propositions conditionnelles. Il y étudie plusieurs phénomènes comme l'interaction desi avec des opérateurs de phrase temporels, la place des opérateurs il est possible que/il est nécessaire que, la négation, les adverbes de probabilité, etc. J.P. Sueur pose la question de l'ambiguïté des verbes modaux devoir et pouvoir. Après avoir "déconstruit" leur ambiguïté en entités distinctes, il reconstitue pour devoir les sens ultimes de 'dégradation de la force de l'assertion' et pour pouvoir celui de la conversion complémentaire à p ® à ~ p. L'emploi sporadique du verbe pouvoir (cf. Les Alsaciens peuvent être obèses,Jean peut être odieux) infirme apparemment la thèse de J.P. Sueur. La communication de G. Kleiber montre qu'il n'en est rien en fait. Employé avec sa valeur "sporadique", pouvoir conserve sa valeur modale de possibilité en fonctionnant comme un adverbe de quantification existentielle modal. L'intérêt de la contribution de J.-C. Lejosne réside dans la mise en relief du phénomène de surmodalisation dans une langue naturelle, à la fois langue créolisée et langue littéraire, l'afrikaans.

Table des matières

  • J.-L. GARDIES : Tentative d'une définition de la modalité
  • G. KALINOWSKI : Deux espèces de sémantique pour la logique modale
  • G. STAHL : Quelques caractéristiques des modalités logiques
  • B. POTTIER : Chronologie des modalités
  • K. HEGER : Modalité et modèles actantiels
  • J.-M. ZEMB : Les occurrences phématiques, rhématiques et thématiques des archilexèmes« modaux »
  • R. MARTIN : Subjonctif et vérité
  • Ch. ROHRER : Quelques remarques sur l'analyse des propositions conditionnelles
  • J.-C. LEJOSNE : Explicitation de la modalité et combinatoire des modaux dans une langue naturelle : l'Afrikaans
  • J.-P. SUEUR : Les verbes modaux sont-ils ambigus ?
  • G. KLEIBER : L'emploi "sporadique" du verbe POUVOIR - J.-L. GARDIES : Tentative d'une définition de la modalité
  • G. KALINOWSKI : Deux espèces de sémantique pour la logique modale
  • G. STAHL : Quelques caractéristiques des modalités logiques
  • B. POTTIER : Chronologie des modalités
  • K. HEGER : Modalité et modèles actantiels
  • J.-M. ZEMB : Les occurrences phématiques, rhématiques et thématiques des archilexèmes« modaux »
  • R. MARTIN : Subjonctif et vérité
  • Ch. ROHRER : Quelques remarques sur l'analyse des propositions conditionnelles
  • J.-C. LEJOSNE : Explicitation de la modalité et combinatoire des modaux dans une langue naturelle : l'Afrikaans
  • J.-P. SUEUR : Les verbes modaux sont-ils ambigus ?
  • G. KLEIBER : L'emploi "sporadique" du verbe POUVOIR en français
  • J.-E. TYVAERT : Modalité et symbolisation
Collection
Recherches linguistiques
Date de parution
Nombre de pages
211
Langue(s)
français