Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, 17

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Date limite de soumission

Appel à articles

Revue de recherches en littératie, 17

Enseigner la sémiotique, de l'école à l'université


Numéro de revue coordonné par Alexandra Saemmer et Nolwenn Tréhondart

(ENGLISH BELOW IN PDF FORMAT WITH REFERENCES)

Si la sémiotique est intégrée dans de nombreux cursus universitaires en Sciences humaines et sociales, son introduction à l’école primaire et secondaire s’est faite non pas sous la forme d’une discipline à part entière, mais sous l’impulsion des programmes d’éducation artistique et culturelle (éducation à l’image, au cinéma, à l’audiovisuel) et d’éducation aux médias et à l’information. L’acquisition d’une culture sémiotique favorisant la compréhension des messages médiatiques et informationnels est ainsi souvent présentée comme un élément central de l’apprentissage de la citoyenneté. En contexte pédagogique, cet enseignement est cependant longtemps resté centré sur l’apprentissage d’une « grammaire » de décodage des signes, visant à mettre à jour les stratégies encodées dans les productions culturelles et médiatiques. Certes, les outils de décryptage développés dans ce contexte peuvent aider les apprenant·es et les étudiant·es à affûter leur regard et leur esprit critique ainsi qu’à mieux percevoir et verbaliser les enjeux communicationnels qui structurent ces productions. Cela étant, sur le terrain des pratiques pédagogiques, l’enseignant·e se trouve confronté·e à une grande diversité de points de vue émanant de la confrontation avec des productions culturelles et médiatiques et doit parfois faire face à des conflits interprétatifs virulents. Face à l’inconnu que peuvent constituer les réactions d’élèves, l’apprentissage d’une grammaire codifiée peut alors sembler plus rassurant que l’initiation à un questionnement réflexif sur ce qui fonde la variabilité interprétative.

Dès 1985, Geneviève Jacquinot évoque un risque d’« impérialisme culturel et social » lié à des pratiques pédagogiques qui préfèrent imposer « “le bon sens” au mépris du respect des processus complexes d’appropriation des messages… ». Plus récemment, Jacques Fontanille (2021) revient sur les enjeux socio-éducatifs de la sémiotique en pointant « la facilité qui consiste à travailler sans corpus, hors de tout terrain d’enquête, et sans aucune méthode de recueil et de construction des données d’analyse. » Sans terrain, le·la pédagogue peut être tenté·e de s’attribuer le rôle de détenteur·rice de la vérité sur la signification, alors même qu’il·elle ne « modélise que ses propres représentations » (Fontanille, 2021), fondées sur ses expériences personnelles, ses opinions, ses stéréotypes.

Depuis plusieurs années, un nombre important de chercheur·es, souvent situé·es dans l’interdiscipline des Sciences de l’information et de la communication, développent des méthodologies sémiotiques dont les approches situées proposent de prendre en compte de manière empirique la place centrale du sujet dans la sémiose. Ces démarches reposent sur l’hybridation entre des enquêtes de terrain (entretien, questionnaire, focus group, ateliers de co-interprétation) et des analyses situées des structures formelles des productions culturelles et médiatiques (textes, images, films, séries, journaux en ligne, plateformes numériques…). Dans certains cas, l’enjeu est de mettre en perspective les résultats de l’analyse formelle effectuée par l’expert·e sémioticien·ne avec ceux développés par des producteur·rices ou récepteur·rices. Dans d’autres cas, l’objectif de l’analyse sémiotique se déplace de la recherche d’un résultat interprétatif final vers l’analyse en profondeur des processus de production du sens. Dans les deux approches, il s’agit d’engager, à partir de la confrontation d’hypothèses interprétatives sur le terrain, une réflexion sur les filtres interprétatifs (Saemmer, Tréhondart, 2022), « savoirs situés » (Haraway, 2007) et « habitudes de pensée » (au sens d’un « habitus de pensée » [Lorusso, 2018 ; Darras, 2006]) qui motivent la sémiose chez le sujet.

Ce volume 17 de la Revue de recherches en littératie médiatique multimodale (R2LMM) propose de questionner la manière dont se renouvelle l’enseignement de la sémiotique, de l’école à l’université, au prisme de telles démarches accordant une place centrale à l’apprenant·e dans la sémiose. Selon les termes de Bernard Darras (2020), il s’agit de questionner la manière dont « le regard d’historien·ne, de littéraire, de linguiste ou de plasticien·ne détermine leur regard », regard par la suite transmis aux élèves incité·es à interpréter selon les mêmes filtres. Mais il s’agit également de se demander s’il est possible de dépasser la prétention de la sémiotique interprétative de vouloir « décrypter » ou « décoder » le sens grâce au regard expert, et comment celle-ci peut prendre en compte le fait que ce regard est également situé. Des enquêtes menées en contexte scolaire (Tréhondart 2022) montrent qu’il existe en effet des résistances à l’idée de créer, à l’intérieur de l’espace scolaire, des lieux de réflexion sur la production du sens, impliquant de partager ses propres convictions, valeurs ou opinions.

Ce dossier souhaite de fait dresser un état de l’art de ces « sémiotiques de terrain » telles qu’elles sont déployées dans les enseignements en contextes scolaire et universitaire : il s’agira d’en questionner les enjeux théoriques, d’expliciter les bricolages méthodologiques face à la complexité du terrain, et de soulever les enjeux éthiques que peut poser l’intégration de la subjectivité singulière en contexte éducatif et pédagogique.

Les propositions pourront être guidées par les questions suivantes :

  • Comment le sens est-il enseigné aux enfants, aux adolescent·es, aux étudiant·es, et à travers quelles activités de réception et de création est-il vécu ?
  • Quelles évolutions de l’enseignement de la sémiotique en contextes scolaires et universitaires, ainsi qu’en formation des enseignant·es (quelles que soient les disciplines) ? Sur quels fondements s’appuient les acteur·rices en termes de pratiques de réception et de production ? Quelles démarches (recherche-formation, recherche-création) sont mises en œuvre dans les établissements de formation des enseignant·es ?
  • Quelles relations la sémiotique entretient-elle avec l’éducation critique aux images, aux médias et à l’information et avec les pratiques de littératie numérique (Lacelle, Lebrun, 2014) ?  Il pourra être ici intéressant de montrer l’évolution des méthodes d’enseignement de la sémiotique en lien avec l’apparition de pratiques de lecture et d’écriture multimodales, complexifiant les processus de production du sens. Comment aider, par exemple, les apprenants à mieux cerner les filtres socio-culturels et émotionnels qui animent leur rapport aux textes numériques, aux images fixes et animées ainsi qu’aux plateformes et réseaux socio-numériques qui entourent les pratiques médiatiques et éducatives ? L’apport de démarches sémiotiques de terrain à l’analyse critique de dispositifs pédagogiques numériques, tels que les plateformes éducatives et scolaires, pourra aussi être exploré (Tréhondart, Carton, 2020)

Calendrier :

  • soumission des articles pour le 16 janvier 2023 ;
  • réponse quant à l’acceptation des articles le 1er février 2023 ;
  • retour des évaluations, pour les articles acceptés 15 mars 2023 ;
  • article final attendu pour le 20 avril 2023.

Consignes aux auteur·rices :

  • longueur : 45,000 à 60,000 caractères, incluant les espaces (15 à 20 pages sans les références et sans les annexes) ;
  • pas de pagination ; pas d’en-tête ni de pied de page ;
  • interligne : 1,5 ;
  • pas de justification ;
  • formats de documents acceptés : Word (.doc, .docx) ou Open document (.odt).

Les consignes complètes pour la soumission d’un article sont disponibles sur le site de la revue (https://litmedmod.ca/soumission-dun-article-la-revue-de-recherches-en-litteratie-mediatique-multimodale).

Les propositions sont à envoyer à l’adresse : revue2lmm@gmail.com

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